lundi 15 novembre 2010

La revanche de Toulouse

      Les toulousains ont mal vécu d’avoir été mis à l’écart du groupe initial de l’équipe de France pour les tournées d’automne. Fin octobre, à l’annonce des joueurs retenus, ils avaient dit leur malaise à demi-mot ; leur entraîneur Guy Novès l’avait souligné avec moins de retenue et une ironie amère : « C'est qu'on ne doit pas être bons... ».  La décision du sélectionneur de ne pas choisir certains joueurs cadres (Heymans, Clerc, Poitrenaud…) ou des jeunes en devenir (Picamoles…) avait pu paraître étonnante, à un an de la coupe du monde. Pas seulement par le talent qu’ils offrent, mais aussi par l’expérience vécue.

   Une bonne partie des hommes ignorés (les toulousains ne sont pas les seuls) ont connu des moments d’adversité et d’émotion intenses : le Grand Chelem dans le Tournoi l’an passé, la très belle victoire contre l’Afrique du Sud il y a un an, mais aussi et surtout la Tournée en Nouvelle-Zélande à l’été 2009. La Quinze national y avait gagné ses titres de noblesse : une victoire sur le sol néo-zélandais, un évènement rarissime pour une équipe de l’hémisphère Nord (les deux dernières victoires du Nord en Nouvelle-Zélande remontent à 2003 avec une Angleterre au sommet du monde et à 1994 durant la fabuleuse Tournée victorieuse de l’équipe de Pierre Berbizier et son « essai du bout du monde »), suivi d’une courte défaite (14-10).

  Les hommes qui disputent ce genre de matches ne peuvent être ignorés. Ils ont montré non seulement qu’ils avaient du courage, du talent, de l’abnégation et du sang-froid, mais qu’ils possédaient cette étincelle en plus, un esprit de mousquetaire, une liberté assumée. Fougueux mais pas fous, talentueux mais solides, harmonieux dans leurs jeux et relativement sereins dans leurs têtes, tout ce qui a fait de grandes équipes de France, en somme… Beaucoup de toulousains en faisaient partie.

Pour que les talents et les qualités humaines éclatent au grand jour, il est préférable de tourner la page du démocratisme sportif ambiant, qui veut qu’ « on ne choisit que les joueurs en forme ». Les joueurs du moment, ceux d’hier n’ont plus le droit de citer, ceux de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui… On institue le doute et l’instabilité permanente. On cherche à créer une réaction chez des hommes qui sont au-dessus de ça. Et, d’une certaines manière, on infantilise les joueurs, comme l’a si bien remarqué l’ancien ouvreur international Alain Penaud dans une de ses dernières chroniques (« Je me mets à la place des joueurs. A un moment donné, il faut arrêter de se comporter comme un instituteur. On tape sur les doigts, on met le bonnet d'âne. On infantilise un peu les internationaux. »). Pensez-vous que les qualités des uns et des autres s’égalisent, que tout le monde peut être un chef naturel ? Eh bien non. Et des joueurs d’exception seront maintenus sous le boisseau toute leur carrière par l’implacable loi de « la forme du moment », quand-bien même elle ne dure que deux mois.

  Ainsi va souvent l’équipe de France, dont l’énorme potentiel ne peut jamais pleinement s’affirmer faute de bénéficier de fondations solides. En attendant, les joueurs toulousains écartés ont fait vrombir le cor dans l’air du temps : en écrasant un Toulon pourtant combattif (44-5 et 6 essais) puis en s’imposant avec la manière sur le terrain de Bourgoin malgré la pluie (11-35 et 4 essais), ils ont prouvé que le panache et la réussite ne se trouvaient pas dans un démocratisme sportif trop logique. Il est ailleurs…

1 commentaire:

  1. Les Toulousains (Clerc, Picamoles, Heymans) ont pris une belle revanche lors du match des Barbarians Français contre les Tonga. Match de gala certes mais de bien meilleure facture que celui du XV actuel. Que dire de l'excellent J-B Elissalde qui avait rechaussé les crampons et enfilé la tunique bleu des Babas, pour un dernier tour de piste, l'adieu de l'artiste à un public conquis. Chapeau Toulouse !

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